Synthèse transnational des programmes de subvention d'engrais en Afrique subsaharienne
DOWNLOADFebruary 10, 2020 - Melinda Smale et Véronique Thériault
Melinda Smale et Véronique Thériault, 2020. Synthèse transnational des programmes de subvention d'engrais en Afrique subsaharienne, FSP Research Paper 169f.
Résumé
Les contraintes de l'offre et de la demande ont longtemps entravé l'émergence de marchés viables d’engrais en Afrique subsaharienne. Au début des années 2000, l'urgence de mettre fin à l’appauvrissement du sol en éléments nutritifs, et la hausse des prix des denrées alimentaires et des engrais, a de nouveau stimulé l'intérêt pour les moyens d'accroître l'utilisation d’engrais, ce qui a conduit à la réintroduction de programmes de subvention d’intrants sous une nouvelle forme «judicieuse». Dans ce résumé comparatif de la littérature, nous examinons d’abord les avantages et les inconvénients de ces subventions d’intrants dans un contexte agricole en développement. Ensuite, nous nous appuyons sur un certain nombre d'analyses approfondies et informatives, sur la comparaison entre les pays d'Afrique subsaharienne et sur la consultation d'études de cas supplémentaires. Le présent document a pour objectif de situer notre compréhension du programme de subvention des engrais au Mali dans un contexte politique plus large et d’en tirer des enseignements sur les mesures potentielles à prendre pour l’améliorer.
L'une des justifications les plus fréquentes des subventions d’intrants en Afrique subsaharienne est qu'elles permettent de remédier au manque ou à l’imperfection des marchés financiers et d'assurances, réduisant ainsi les risques pour les petits agriculteurs. On compte parmi les avantages l’idée selon laquelle la promotion d'une utilisation d'engrais à prix abordable pourrait «inciter» les agriculteurs à adopter de nouvelles technologies, leur permettant d'apprendre et de démontrer les avantages. Une longue liste d'inconvénients a été rapportée, à savoir les coûts fiscaux et administratifs élevés, les fuites vers le marché commercial et les pays voisins où les rapports de prix n'ont pas changé, et le détournement d’achats commerciaux par des agriculteurs qui, autrement, paieraient le prix intégral. Parmi les critiques rarement citées, figurent les défaillances de marché mal diagnostiquées, par exemple, le traitement par un subvention aux engrais d'un problème de coût de transport qui serait mieux traité par un investissement dans l'infrastructure.
La conception et la mise en œuvre des programmes de subventions des intrants influent directement sur la demande et l'offre d'engrais ainsi que sur la macroéconomie. Dans tous les pays d'Afrique subsaharienne, les conceptions sont complexes et ont évolué au fil du temps avec l'expérience. Les objectifs sont souvent « flous » et « variables », avec des finalités qui peuvent ne pas être « économiques » au sens le plus strict. Les subventions « universelles » sont en fait régressives, favorisant ceux qui ont plus d’actifs et un meilleur statut social. En limitant la subvention à une culture ou à un ensemble de cultures donné, un programme cible une zone, un système agricole et un groupe de ménages. Les mécanismes de sélection des bénéficiaires varient considérablement selon le programme de pays et l'année du programme, en fonction de l'apprentissage, des résultats de l'évaluation et des objectifs des programmes. La présence d'un système de suivi et d'évaluation et la reconnaissance d'une stratégie de sortie sont des caractéristiques clés de la conception de subventions «judicieuses» - mais elles ont été largement absentes.
Toutes les études examinées montrent des effets positifs sur le rendement et la production du ménage agricole. Les cultures plantées n'ont pas toujours fait l'objet d'une étude, mais les études montrent des résultats mitigés. L'augmentation progressive de la production agricole peut, mais ne conduit pas nécessairement à des résultats, tels que la hausse des revenus agricoles et une sécurité alimentaire accrue. Dans la plupart des cas, à l'exception des zones rurales reculées ou celles où résident des paysans plus pauvres, l'éviction est plus susceptible de se produire qu l’attraction. Il existe relativement moins d'informations sur l'impact des subventions aux engrais, sur l'équité au sein des ménages, l'utilisation des terres, l’usage de la main-d'œuvre, la participation au marché du travail et la nutrition. Les programmes récents de bons électroniques n'ont pas encore fait l’objet de beaucoup d'attention.
Avec l'absence de stratégie de sortie en place, le programme de subvention d’engrais restera probablement une solution à court ou moyen terme au Mali. Certaines étapes clés doivent être suivies afin de maximiser les impacts positifs et minimiser les effets négatifs d’un tel programme. Premièrement, les objectifs du programme (économiques et non économiques) doivent être clairs et non contradictoires. Deuxièmement, diverses approches de conception et de mise en œuvre devraient être testées. Troisièmement, les résultats du ciblage ainsi que la conception et la mise en œuvre du programme doivent être alignés les uns sur les autres et sur les objectifs du programme. Quatrièmement, un système de suivi et d’évaluation solide doit être installé. Finalement, il y a besoin urgent de disposer de plus de preuves empiriques pour mieux comprendre les effets prévus et imprévus du programme, y compris le nouveau système de bons d'achat électroniques.